scénario

« Diamond Dog »

Les nuits passaient inhabitées et, comme d’habitude, je marchais tout seul le long des voies de chemin de fer, en donnant des coups de pied désinvoltes dans une cannette, traînant un vieux désarroi, les mains dans les poches de mon gilet de chagrin. D’une ivresse molle et triste, je me laissais tanguer, je chavirais et comme la rengaine j’allais et je venais. Je frappais dans cette boîte en fer, donc, quand soudain, semblant crever le ciel et, sorti de nulle part, surgit un joli petit chien jaune et blanc qui arrête la cannette en plein vol, à deux ras du sol et pose sur moi son regard. Il avait les yeux de Bette Davis. Il remuait sa queue de jeune chiot fou, serrant la cannette entre ses deux mâchoires dégoulinantes de salive. Mon bon chienchien, mon cher toutou, je suis fatigué, je suis épuisé, je n’ai plus envie. Et lui de me répondre Je t’en prie ne sois pas farouche. Il manque simplement quelqu’un près de toi. Tu as besoin de quelques mots d’amour. T’en fais pas, mon petit loup. C’est la vie ! Ne pleure pas. Fais-moi une place au fond de ton cœur… Allez, viens, je t’emmène. Je resterai toujours le même, un peu bohème, tu sais : je resterai ton meilleur ami.

Il m’a vidé de tous mes mots. Et puis, les mots, je me disais, ne sont pas vraiment nécessaires. Ils ne peuvent que faire du mal. Je profitais du silence.

Mais lentement il s’éloigne, alors je cours, jusqu’à perdre haleine. Et peu à peu je le regagne et lui crie Ne pars pas sans moi, laisse-moi te suivre, donne-moi ma chance, je veux chanter aussi. Il hésite, et il m’attend.

Louis Bonard