scénario

« Soudain égaré »

Sa tente se trouvait au pied du sorbier, son vélo reposait contre le tronc et son sac à dos gisait entre deux racines. Le campeur ne s’était pourtant éloigné que de quelques mètres afin d’observer une fourmilière et en revenant, ses affaires avaient disparu, comme par enchantement.

Le voleur ne devait pas être bien loin et son premier réflexe fut de se lancer à sa poursuite. Mais il ne retrouva ni le sentier qui passait à proximité du campement ni le chemin qui conduisait au sentier… L’orée des bois elle-même semblait s’être évanouie au profit d’une zone forestière aussi dense qu’étendue… Le campeur ne comprenait pas la manière avec laquelle il avait pu se perdre ; son expérience était grande et son sens de l’orientation aiguisé. Les apparences conduisaient au surnaturel, mais le campeur se voulait sain d’esprit et repoussa aussitôt cette hypothèse. Il revint près du sorbier, en inspecta les alentours et pour la première fois de sa vie regretta de ne pas disposer de boussole. Il regretta ensuite sa tente, son sac à dos et son vélo. C’était du bon matériel. Il pensa au livre qui était resté au fond du sac : Délivrance de James Dickey. Tout comme les héros du roman, le campeur se surprit à envisager la survie.

Il retourna près de la fourmilière ; l’œuvre de fourmis rousses. Un dôme, ayant comme base une vieille souche. Plus d’un million d’individus pouvaient l’habiter et cette construction n’était peut-être que le poste avancé d’une super colonie, comprenant plus de mille fourmilières, reliées entre elles par des centaines de kilomètres de pistes. Depuis sa plus tendre enfance, le campeur adorait observer les fourmis et leurs activités représentaient pour lui l’un des plus fascinants spectacles qu’il puisse exister.

Il fouilla ses poches : un couteau suisse, un paquet de mouchoirs, son trousseau de clés et son portefeuille. Sa montre digitale indiquait neuf heures et dix-sept minutes. Il revint sur le lieu du campement. Il remarqua alors qu’il ne restait rien non plus de son petit feu de camp. Le campeur prit la direction de ce qu’il croyait le retour, sans dénicher le moindre sentier ou le moindre chemin et sans rien identifier de ce qu’il avait localisé la veille. Il marcha ainsi longtemps dans la forêt et à la nuit tombée, il ne reconnut aucune des étoiles du ciel.

Germano Zullo