Léon Maret
Né en 1984, à Paris, Léon Maret est a étudié aux Art décoratifs de Strasbourg, dans la section illustration de Guillaume Dégé.
À propos du dessin, il dit : « Je ne sais pas trop quoi dire à propos du dessin. Je ne le maîtrise pas assez. Et le dessin est souvent une affaire de goût ; c’est comme l’opinion, ça périme vite. Alors, depuis quelques années, je reste bouche-bée des heures dans le silence total a scroller comme un abruti devant des centaines d’image de vieux manga qu’on trouve sur internet. Ça me fait péter la tête la qualité de dessin des japonais. On est des gros barbares par rapport aux japonais, on ne sait pas tenir un crayon, on est des gros bébés du dessin. Sampei Shirato me fait perdre le contrôle de mes muscles tellement c’est stylé. J’adore les dessins de Mitsuru Adachi. C’est complètement systématique et pourtant si élégant, il y a une certaine « graisse » dans son trait, c’est très neutre en même temps ; c’est bon comme du saindoux. Izumi Matsumoto a quelque chose de complètement pété dans son dessin et ça me provoque des intenses vibrations de plaisir. Dans un style plus « raw », Toyo Kataoka est une source de kiffe absolu. Le dessin de One Piece est un peu à l’image de son héros : il est tout moche, mais en fait, il bat tout le monde. C’est ça le dessin de One Piece. Et au-dessus de ce Panthéon incomplet trône Dieu, Akira Toryhama.
Mais tous ces petits êtres sont sûrement à genou face à Nicolas Poussin. Poussin, au dessin, c’est un peu la puissance esthétique des villes de Florence, de Paris, de Rome, et d’Athènes, qui se seraient mélangées et mises à plat sur une petite feuille jaunie. La maîtrise que Poussin a du dessin est à un niveau tellurique. C’est à dire que c’est plus puissant que nos nations. C’est puissant comme une plaque continentale. À la fin de sa vie, sa main tremblait #parkinson et il dessinait comme ça, avec un trait tout tremblant. Ça fait vibrer l’image, c’est magnifique x30. Il existe un catalogue raisonné des dessins, c’est très cher, mais mon anniversaire c’est le 2 mai. Le jeune Hergé et son trait tout mou possède lui aussi une sacré puissance de frappe. Steinberg évidement, et tout ce qui rapprocherait le dessin d’une « écriture italique ». Toepffer pourrait être dans cette même catégorie, une sorte de graphie penchée vers l’avant, du côté de l’action et du « dire ». Personnellement je classerais Claire Braud dans la même catégorie. Elle est une dessinatrice exceptionnelle. Son dessin n’est d’aucune mode, d’aucune école, mais que c’est beau et efficace. J’en ai des papillons dans le ventre rien qu’à y penser.
Les illustrateurs Anglais fin XVIIIème -début XIXème, James Gilleray, les Cruikshanks et Rowlandson constituent un prodige, comment dire, un miracle? du génie humain. Pendant qu’on coupait des têtes, ces trois petits bâtards inventaient une sorte d’ancêtre de la bande dessinée, et c’était pour se moquer de nous en plus! Dans un registre plus « solide », plus terrien, Kirby est à peu près l’équivalent au dessin de ce que serait Hulk s’il existait vraiment : absolument systématique, de constitution impénétrable, épais, dense, et pourtant il saute et s’envole au-dessus des nuages en rigolant comme un enfant blondinet. C’est incroyable Kirby, il dessine quasi-systématiquement dans un gaufrier, avec une sorte de lourdeur, et pourtant, on ne sait pas pourquoi, il y a une sorte de grâce divine, comme si Dieu en le dotant du génie lui avait dit : « Tu es bête mon enfant, mais ça ne t’empêchera pas d’être intelligent ». Il y a quelque chose comme ça de paradoxale chez Kirby.
Aujourd’hui, je suis un dessinateur malhabile et plutôt déplorable. Mais je travaille beaucoup et j’espère qu’un jour peut-être un jour arriver au bas de la semelle de ces titans. »
Publications
Le chien dans la botte, Albin Michel, 2012
Canne de fer et Lucifer, Editions 2024, 2012
Course de bagnole, Les Requins Marteaux, 2012
Laisse faire les sphères, Alain Beaulet, 2010