dessinateurs

Ugo Gattoni

Pictobello

« Les dessins d’Ugo Gattoni sont comme les repas qu’il propose: généreux. Riches en détails et en jeux de texture, à la composition soignée et mêlés d’influences plurielles, ils invitent aux voyages et sont toujours plein de copains. C’est d’ailleurs la clé de voûte de son processus créatif, les copains, la convivialité ou comment articuler une production artistique autour d’un rapport humain.

C’est comme cela qu’il part à Londres, en 2012, pour réaliser Bicycle, une importante fresque et un projet éditorial, qui lui confère une visibilité certaine et lui permet de choisir les maisons de tradition française de luxe avec lesquelles il collabore. Ces maisons d’exception, comme Hermès, Ruinart, Cartier, Pierre Frey ou encore Diptyque, lui ont prêté leur confiance pour transcender leurs univers et revendiquent un art du « Fait Main » inégalable en donnant une importance primordiale au temps dans le processus de création. Cette notion est indispensable à Ugo pour ses pièces puisque leur conception réflexive ou plastique s’étale parfois sur des mois, voire des années.

Son imaginaire puise ses sources dans la pure tradition de l’histoire de l’art statuaire et celui de la fresque. Les connaissances académiques du dessin qu’il acquiert lors de ses études en école de communication visuelle, lui octroient une technique aiguisée et permettent de donner vie à ses microcosmes imaginaires dans lesquels s’entremêlent des architectures dont le réalisme flirte avec l’art du trompe l’oeil ainsi que des éléments issus des mythologies réelles ou celles inventées par ses soins.

Ses mondes grouillent de détails et débordent toujours hors du cadre, malgré la taille imposante de ses réalisations. Sa première fresque, Ultra Copains, réalisée en 2011, fait dix mètres de long et plante le décors du style d’Ugo: un brouhaha graphique, un ensemble d’éléments hétérogène et fourmillant, mêlant des éléments empruntés aux mythologies grecques ou chamaniques, ainsi qu’aux paysages urbains, aux voyages, au monde de la fête ou bien même celui de l’anatomie. Un monde dans lequel il fait de ses amis des idoles en dessinant et plaçant le visage de ses proches au centre de ses mondes fantastiques.

L’importance de leur format ainsi que la densité de détails créent un jeu d’échelle qui embrasse le spectateur et l’invite à venir se balader dans les riches paysages graphiques, comme si le temps était suspendu, comme si cette balade dans l’univers d’Ugo appartenait à une parenthèse enchantée. Toutes les illustrations se font échos grâce à un jeu de détails qui rebondit d’un dessin à l’autre, faisant de chacune d’entre elles un infime fragment extrait de son univers.

À la manière d’un « archéologue fictionnel », il s’inspire et réinterprète des références de civilisations anciennes pour construire ses propres mondes, qui attestent d’un temps presque déjà révolu. Tel un architecte, il construit avec intelligence et minutie chaque détail des univers qu’il érige graphiquement, réfléchissant aux déplacements et aux comportements des personnages qui vivent à l’intérieur d’eux. Il étoffe ainsi ses dessins, déjà riches d’une dimension architecturale, sculpturale et historique, d’une ampleur philosophique, anthropologique, sociologique et même botanique, afin de conférer à ses mondes une immersion absolue à 360°.

C’est en 2015, avec la pièce Hippopolis, réalisée pour Hermès, dans le cadre de leur fameux carré de soie, que cette avidité de précisions l’a poussé à parfaire l’univers de ses dessins en activant l’immersion grâce à de l’animation et à du son et, pour la première fois, un passage en couleurs. Puis, en 2018, il imagine le projet Nebula, monde onirique et surréaliste poussant au paroxysme tous les aspects avec lesquels il se délecte de jouer: la cuisine, les copains, les voyages, la musique, un conte mythologique créé autour de la notion d’un bonheur infini comme moteur d’un monde merveilleux. Il considère Nebula comme un projet, sur du (très) long terme et aux formes multiples, envisagé pour le moment sous le prisme d’un court métrage, complétant ainsi cette plongée dans son imaginaire.

Pour sa réalisation, Ugo emmène ses artistes-amis (ou bien le contraire) à venir le rejoindre au Mexique, où il a vécu pendant deux ans, pour une expérience artistique. Sous forme de résidence d’un mois, un groupe d’une vingtaine de musiciens, plasticiens, designers, comédiens, architectes, 3D modelers et chorégraphes pousse l’aventure immersive à son apogée et reproduit, sous forme de road trip, le convoi qui traverse quotidiennement le monde de Nebula. Ensemble, ils visitent des lieux qui résonnent avec la fable fantastique et étudient et interprètent chaque aspect de la vie dans ce monde.

À son retour du Mexique, en 2019, Ugo rentre avec un nouveau projet: Le Comalito. Rassemblant une fois encore sa passion du partage, de l’exploration, de la fusion des genres et de prétexte à la convivialité, il crée une cuisine influencée par la gastronomie française et mexicaine, qui l’a transcendé pendant ces deux ans là-bas. Prenant la forme de résidences dans des restaurants ou bien d’événements à travers le monde, Le Comalito est surtout un alibi à l’épicurisme total, parce que « tu vois, Le Comalito, c’est aussi la fête ». »

Texte: Margaux Bez

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Publications :
Bicycle, Nobrow press, 2012